Mon nom est Moebue et j’appartiens à l’un des plus petits groupes ethniques de Birmanie que l’on appelle les Karennis.
J’ai grandi dans le village de Tee Ta Kaloe, dans l’état karenni,où ne vivaient que de pauvres fermiers.
J’ai un frère plus âgé et trois autres plus jeunes.
Pendant de nombreuses années, nous avons subi les exactions du plus brutal des gouvernements. Les soldats birmans venaient souvent dans notre village et forçaient les gens à travailler pour eux sans rémunération, en arrêtaient certains et souvent violaient et tuaient.
Quand j’ai eu 10 ans, l’Armée Birmane nous a chassé de notre village.
Dans le camp où nous nous sommes retrouvés, nous n’avions pas le droit de travailler ni de sortir pour chercher de la nourriture.
Nous avons vécu de façon précaire dans ce camp pendant plus d’un an avant de pouvoir retourner dans notre village qui avait été brûlé.
Un an plus tard, ma mère a donné naissance à ma petite sœur qui n’a pas survécu et une semaine plus tard, ma mère est décédée à son tour.
Je me suis retrouvée avec mes frères et mon père.
Mon pays était en guerre civile depuis 1960 et l’armée birmane
et les groupes rebelles karennis se combattaient très régulièrement.
Nous devions alors souvent nous cacher dans la jungle pour nous mettre à l’abri.
Pour que je sois plus en sécurité, à l’âge de 15 ans, mon père m’a envoyée dans un camp de réfugiés karenni de l’autre côté de la frontière, en Thaïlande.
Nous étions 15 femmes et jeunes filles. Il nous a fallu marcher dans la jungle pendant trois mois, la plupart du temps la nuit pour éviter les patrouilles de l’armée birmane. J’avais très peur et je ne savais pas ce qui allait m’arriver. J’ai souvent pensé que j’allais mourir.
J’ai passé quatre ans dans ce camp de réfugiés, où j’ai pu étudier et ensuite travailler avec le syndicat des étudiants karenni dans le cadre du programme de développement des étudiants karenni (KSDP), une organisation caritative britannique.
En octobre 2006, le KSDP m’a parrainée pour aller au Royaume-Uni.
J’ai ensuite obtenu l’asile pour une durée de cinq ans. Pendant cette période, je me suis inscrite à l’université et j’ai commencé des études d’infirmière.
J’ai également travaillé avec le KSDP pour collecter des fonds et sensibiliser le public à la situation du peuple karenni et de la Birmanie tout en rêvant de pouvoir, un jour, retourner dans mon pays.
En octobre 2012, j’ai obtenu un diplôme d’infirmière et, en 2013, j’ai reçu l’autorisation de rester au Royaume-Uni pour une durée indéterminée et j’ai obtenu un passeport britannique, ce qui signifie que je pouvais enfin retourner dans mon pays, la Birmanie, en toute sécurité.
Lorsque je suis arrivée en Angleterre,j’avais deux rêves : devenir une infirmière qualifiée et construire une clinique dans mon village karenni où personne n’avait la chance d’avoir accès à des soins médicaux.
La clinique a ouvert ses portes en juin 2014.
Il existe un hôpital public à Loikaw, la capitale de l’état Karenni, mais l’accès n’est pas évident (il n’y a pas de transports publics) et les traitements sont trop chers pour la plupart des gens.
De nombreuses personnes meurent jeunes et de nombreux enfants ne survivent pas à leur première année. Ma mère avait une trentaine d’années lorsqu’elle est décédée et mon père est mort en 2013 à l’âge de 48 ans parce qu’il n’y avait pas de traitement médical disponible.
Je suis triste que tant de gens aient eu à souffrir, mais je suis très heureuse, aujourd’hui, que mes deux rêves soient devenus réalité.
Je suis une infirmière qualifiée et je peux maintenant partager mon temps entre le Royaume-Uni et l’état karenni, où j’aide à diriger le Karenni Mobile Health Committee (KnMHC).
Le KnMHC fournit un service médical mobile à une population cible d’environ 60 000 personnes dans l’État Karenni.
Neuf autres cliniques ont vu le jour, situées dans de petits villages, la plupart du temps sans électricité ni eau courante.
J’ai également contribué à la mise en place d’un service de planning familial.
Message personnel de Moebue:
Merci beaucoup à tous ceux qui soutiennent mon travail par leurs dons.
C’est réconfortant pour moi de savoir que le peuple karenni n’est pas seul.
Chez les Karennis, ma vie est très différente de celle que je mène au Royaume-Uni. Parfois, la tâche me semble écrasante, mais je suis très heureuse de pouvoir transmettre ma chance à d’autres personnes moins chanceuses..
En septembre 2018, j’ai épousé Poe Reh, également ancien étudiant KSDP dans le camp de réfugiés, de sorte que nous formons maintenant une équipe qui apprécie vraiment le soutien incroyable que le KSDP apporte au peuple karenni.
À ma suggestion, le KSDP a accepté de financer la formation continue des médecins mobiles, ce qui permet à chacun de se tenir au courant. Le KSDP finance également des césariennes d’urgence pour les femmes en travail, ce qui permet de sauver la vie de la mère et du bébé. En 2019, le KSDP a financé 1 200 toilettes pour des familles vivant dans des villages reculés.
L’un des principaux problèmes est que le gouvernement birman ne finance pas les soins de santé et ne forme pas suffisamment de personnel.
Les Karenni doivent donc collecter leurs propres fonds par le biais d’événements ou de donateurs.
La tâche reste énorme, mais je fais toujours de mon mieux.